FEBC-FABA
Jurisprudence : bon à savoir – Entrepreneur – Responsabilité décennale – Vice grave – Prescription

Les faits qui caractérisent cette affaire sont assez routiniers : un entrepreneur de travaux de façades signe un contrat en octobre 1992 pour la rénovation des façades d’un immeuble de bureaux consistant à appliquer un enduit décoratif sur une sous-couche isolante.


La réception provisoire


À partir de la réception provisoire en juin 1993, des plaintes sont déposées par le maître d’ouvrage et son architecte concernant la fissuration et le décollement de l’enduit. Même après de petites réparations effectuées en 1997, les désordres continuent à s’aggraver. En 2000, l’entrepreneur réalise une réparation complète de trois façades ainsi qu’un certain nombre de plus petites réparations. Le fournisseur des matériaux accorde une garantie de 10 ans sur ces travaux. Le maître d’ouvrage cite néanmoins l’entrepreneur à comparaître devant le tribunal pour vice grave.
Il est utile de vous rappeler que la responsabilité décennale commence en principe le jour de la réception définitive, sauf s’il est convenu dans le contrat d’entreprise que la réception provisoire a valeur d’approbation des travaux. En l’occurrence, la responsabilité décennale prend cours dès la réception provisoire.
Il est donc dans votre intérêt de préciser dans le contrat d’entreprise que la réception provisoire a valeur d’approbation des travaux et constitue le point de départ de la responsabilité décennale.


Un premier jugement


En 2005, le premier juge condamne l’entrepreneur et le fournisseur in solidum à payer l’intégralité des dégâts en raison de l’exécution incorrecte des réparations et de la mauvaise qualité des cornières.
Cependant, l’entrepreneur conteste le jugement et avance les arguments suivants en appel :
•    l’action est prescrite ;
•    les erreurs commises ne constituent pas des défauts structurels.


Conditions de la responsabilité décennale


La responsabilité décennale (art. 1792 et 2270 du Code civil) est applicable lorsque les conditions suivantes sont remplies :
•    l’immeuble doit « périr en tout ou en partie » en conséquence du vice grave que comporte le revêtement de façade
•    l’action ne peut pas encore être prescrite.


Vices compromettant la solidité du bâtiment


Le critère général consiste à examiner si la solidité ou la stabilité de l'immeuble ou d'une partie de celui-ci est menacée. Bien que le revêtement de façade soit un cas limite, la Cour confirme la responsabilité décennale dans cette affaire. 
La Cour considère l’enduisage de façades avec un matériau isolant et une finition extérieure hydrofuge comme un « travail immobilier de grande ampleur ». 
La Cour estime en outre que le vice est grave dans la mesure où la fissuration dans la couche d’enduit et le décollement de celle-ci peuvent conduire à des infiltrations d’eau, entraînant à leur tour des problèmes d’humidité et une dégradation de la maçonnerie sous-jacente, compromettant ainsi la solidité du bâtiment.
Il est important, lors de l’exécution des travaux, d'accorder l'attention voulue à une étanchéité à l'eau correcte, dans la mesure où les problèmes d’humidité menaçant la solidité ou la stabilité du bâtiment feront aussi partie, dans la plupart des cas, du champ d’application de la responsabilité décennale.


Le délai de responsabilité décennale 


Le délai de dix ans constitue une échéance qui ne peut être interrompue que si la responsabilité est reconnue ou si une action en justice est introduite.
Dans cette affaire, l’entrepreneur a reconnu sa responsabilité en réalisant à nouveau les travaux sur base volontaire, d’abord par le biais de petites réparations en 1997, puis en effectuant de grandes réparations en 2000. Les travaux réalisés dans le cadre de cette responsabilité marquent le début d’un nouveau délai de dix ans.
Il est important, lorsque vous effectuez de petits travaux de réparation après la réception des travaux, pour des raisons purement commerciales, de signaler par écrit (par exemple dans un courrier adressé au maître d'ouvrage) que votre intervention n’implique pas la reconnaissance d'une quelconque responsabilité dans votre chef, mais doit être considérée d'un point de vue purement commercial. Vous évitez ainsi que ces petits travaux de réparation constituent le point de départ d’une nouvelle période de responsabilité décennale.