À l’heure actuelle, on ignore souvent si le fournisseur d’un béton prêt à l'emploi peut être déclaré responsable en cas d’éventuels vices cachés dans les matériaux livrés. En effet, la livraison pure et simple de béton prêt à l’emploi ne constitue pas un contrat d’entreprise, mais bien un contrat de vente. La responsabilité décennale s’applique-t-elle alors à ce fournisseur ? Il est grand temps d’apporter un peu de clarté à ce sujet.
La simple livraison de béton prêt à l’emploi ne constitue pas un contrat de sous-traitance
La qualité de sous-traitant suppose que l’intéressé livre non seulement des biens ou des services, mais participe aussi effectivement à l'exécution des travaux. Contrairement à l’activité consistant à livrer et à pomper du béton prêt à l’emploi, l’acte de la simple livraison de béton prêt à l’emploi ne répond pas à cette condition. C’est donc l’entrepreneur qui est responsable du coulage du béton prêt à l’emploi.
Régime de la responsabilité décennale (articles 1792 et 2270 du Code civil)
L’une des conditions nécessaires à l’application de la responsabilité décennale réside dans l’existence d’un contrat d’entreprise. Le critère permettant de déterminer si un contrat d’entreprise a été conclu entre les parties ou s'il s'agit de l'achat-vente d’une chose future est la « spécificité du travail ». Un contrat ne constitue une entreprise que lorsqu’il s’agit de la réception d’un produit répondant très spécifiquement aux besoins et aux souhaits personnels du client. Lorsqu’il s’agit au contraire d’un produit plutôt standardisé, imaginé et conçu par le fabricant en fonction des besoins courants d’une clientèle potentielle et adapté tout au plus à la situation sur place, on parle d'achat-vente.
Il n’est pas question d’un contrat d’entreprise dans le cas de la simple livraison de béton prêt à l’emploi. En effet, il s’agit de l’achat-vente d’une chose future. Le fournisseur de béton prêt à l’emploi n’est donc pas soumis à l’application de la responsabilité décennale.
Garantie à raison de défauts cachés (art. 1641-1649 du Code civil)
Dans la mesure où le régime d’achat-vente est d’application, le fournisseur du béton prêt à l’emploi est tenu de respecter toutes les obligations de droit commun. Le fournisseur peut donc bien être tenu responsable de défauts cachés dans les matériaux livrés. Il ne peut pas non plus y échapper par le biais d’une clause dans le contrat.
Responsabilité du fournisseur de béton prêt à l’emploi à l’égard du maître d’ouvrage
En règle générale, le maître d’ouvrage ne conclut pas de contrats lui-même avec le fournisseur de béton prêt à l’emploi dans le cadre de son contrat d’entreprise. Que se passe-t-il alors si l’entrepreneur fait faillite ? Le maître d’ouvrage est-il abandonné à son sort ou peut-il se retourner directement contre le fournisseur du béton prêt à l'emploi ?
Dans l’arrêt du 26 mai 2006, la Cour de Cassation a jugé que les obligations de sauvegarde contractuelles d’un fournisseur à l’égard de son donneur d’ordre étaient des obligations inhérentes au bâtiment. Lorsque l’entrepreneur cède le bâtiment au maître d’ouvrage dans le cadre de son contrat d’entreprise, les droits sont également transférés au maître d’ouvrage. La Cour assimile le régime des droits qualitatifs à celui d’une vente. Le donneur d’ordre d’un marché a un droit de créance contractuelle dérivé à l’égard du fournisseur de l’entrepreneur. Tous les droits de sauvegarde possibles que l'entrepreneur avait à l’égard du fournisseur sont donc transférés au maître d’ouvrage (au moment de la réception).
En d’autres termes, le fournisseur du béton prêt à l’emploi n'est pas seulement responsable des vices cachés à l’égard de l’entrepreneur-acheteur, mais aussi vis-à-vis du maître d’ouvrage avec qui l’entrepreneur a conclu un contrat.
À noter que cette responsabilité existe seulement à l’encontre du vendeur du béton prêt à l’emploi. Elle ne s’applique pas à la relation mutuelle entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur ni entre le maître d’ouvrage et un sous-traitant.
Entrepreneurs, soyez vigilants !
Lorsque le béton prêt à l'emploi est livré, il est important d’être suffisamment attentif au moment d’accepter le béton prêt à l'emploi livré en signant le bon de livraison. Avant de l’accepter, il est conseillé de soumettre le béton prêt à l’emploi livré à un examen minutieux afin de vérifier s’il est bien conforme à ce qui a été convenu.
En outre, il est important que le béton prêt à l’emploi soit coulé correctement. En d’autres termes, vous devez tenir compte des travaux préparatoires sur le chantier, des conditions atmosphériques, de la protection du béton pendant la prise, des temps de prise,...
Mais avant la livraison du béton, il est dans votre intérêt également de commander le béton prêt à l'emploi correctement (par exemple le type et la quantité de béton appropriés) et en temps opportun (de préférence par écrit). Un béton BENOR est également une gage supplémentaire de qualité.
Conclusion
Retenons que la simple livraison du béton prêt à l'emploi ne peut pas être considérée comme une forme de sous-traitance et que la responsabilité décennale ne s'applique donc pas au fournisseur. Néanmoins, ce même fournisseur demeure responsable si le béton prêt à l'emploi qu'il a livré présente des vices cachés, et ce tant à l'égard de l'entrepreneur que vis-à-vis du maître d'ouvrage.
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